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De « Navalny » à « Hollywoodgate », la productrice Odessa Rae au centre de la­ géopolitique mondiale

Le 11 mars, Odessa Rae retrouve Ioulia Navalnaïa dans une grande ville européenne qu’elle préfère ne pas ­nommer, pour des raisons de sécurité. La productrice du film Navalny, de Daniel Roher, Oscar du meilleur documentaire en 2023, n’avait pas encore vu l’opposante russe depuis la mort de son mari, Alexeï Navalny, dans une prison russe, le 16 février. Ce jour-là, les deux quadragénaires, devenues proches pendant le tournage, en 2021, prévoient de partager un thé avant d’aller dîner chez des amis communs. « Nous avons aussi ­longuement parlé de la stratégie à adopter pour la suite », décrit Odessa Rae, par téléphone, à l’arrière d’une voiture roulant dans les montagnes suisses.
Moins d’un mois plus tôt, le 19 février, Ioulia Navalnaïa avait annoncé qu’elle allait poursuivre le combat de son mari contre le président russe, Vladimir Poutine.
Pour accompagner ce nouveau statut d’opposante, son amie nie un rôle de « conseillère » auprès de la veuve, tout en confessant qu’elle « suggère » des idées pour faire vivre la mémoire de ce « leader sans peur ». Grâce à ses nombreux contacts, notamment à Hollywood, la productrice envisage des opérations de communication, des interventions médiatiques ou encore l’organisation d’événements en hommage à Alexeï Navalny. « Je relaie toutes les occasions qui peuvent aider la cause, précise Odessa Rae. Je me considère aussi en partie comme une membre de l’équipe Navalny. »
Par le biais de ses films, l’ancienne actrice canadienne, aujourd’hui basée à New York, se retrouve au centre de la ­géopolitique mondiale. En plus de la promotion de Navalny, Odessa Rae fait actuellement la tournée des festivals avec Hollywoodgate, un documentaire réalisé par Ibrahim Nash’at, qui a suivi deux hauts gradés du régime taliban pendant un an, dans une ancienne base militaire de la CIA à Kaboul, après le départ précipité des forces américaines, en août 2021. En parallèle, elle termine le montage d’un film sur le gouvernement ukrainien, qu’elle a suivi pendant un an et demi après l’invasion russe, en février 2022.
Odessa Rae ne se contente pas de produire des histoires : grâce à son carnet d’adresses, elle a, par exemple, arrangé l’exfiltration du traducteur afghan engagé dans le film Hollywoodgate, menacé par le régime taliban, pour qu’il obtienne l’asile politique en Allemagne.
Plus récemment, à la manière du célèbre producteur ukrainien Alexander Rodnianski, impliqué dans les discussions non officielles entre la Russie et l’Ukraine, elle reconnaît avoir joué un rôle dans les tractations sur un éventuel échange de prisonniers américains en Russie qui aurait peut-être pu permettre de faire libérer Alexeï Navalny avant sa mort. Ce rôle, bien au-delà du simple travail de ­production d’un film, interroge Odessa Rae : serait-elle devenue un personnage des histoires qu’elle raconte ? « Je marche constamment sur une ligne très fine », reconnaît-elle.
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